Entretien avec le quotidien « La Croix ».

« Pour le Ramadan, nous incitons les fidèles à donner par Internet »

Alors que le Ramadan s’ouvre ce vendredi 24 avril pour les musulmans de France, les mosquées s’inquiètent de la baisse des dons, ce mois rimant habituellement avec aumône et générosité. Rencontre avec Abdelaziz El Jaouhari, président du centre d’étude et d’initiatives musulmanes des Yvelines (Ceimy) et de la mosquée de Mantes-la-Ville.

  • Recueilli par Mélinée Le Priol,
  • le 24/04/2020 à 15:17

La Croix : Hors période d’épidémie, le Ramadan est-il un moment de l’année pendant lequel les mosquées centralisent beaucoup de dons ?

Abdelaziz El Jaouhari : Oui, c’est traditionnellement un grand moment de générosité de la part des fidèles des mosquées qui, en tant qu’associations cultuelles, ne reçoivent aucune aide ni subvention publique. Sur cette période d’un mois, les dons peuvent constituer la moitié, voire les deux tiers des finances annuelles de certains lieux de culte.

Ces dons servent au fonctionnement général des mosquées : les salaires du personnel (religieux, administratif et enseignant), les factures, voire le loyer, pour les associations qui ne sont pas propriétaires de leur lieu de culte.

Outre ces dons, il y a l’aumône (« zakat Al-Fitr ») que les familles versent à la fin du Ramadan pour les nécessiteux : c’est une obligation religieuse, et cela ne concerne pas les finances des mosquées.

Vous attendez-vous à une baisse importante cette année ?

A.  E. J. : Beaucoup de lieux de culte s’en inquiètent, en tout cas. En ce qui concerne la mosquée dont je suis le président, à Mantes-la-Ville (Yvelines), les dons levés pendant le Ramadan constituent la moitié de notre budget, d’environ 300 000 €. Même si nous incitons les fidèles à donner par Internet, l’absence de rassemblements et de prières collectives fera sans doute baisser les dons.

Or de la marge, nous n’en avons pas tant que ça ! Nous essayons de faire des économies du mieux qu’on peut, mais nous avons des dépenses incompressibles, en particulier nous qui avons décidé de garder notre mosquée ouverte afin d’assurer les funérailles et la distribution alimentaire.

Le confinement a-t-il augmenté les besoins des foyers les plus modestes ?

A. E. J. : Par rapport à avant le confinement, nous sommes passés de 100 à 300 familles qui bénéficient de denrées alimentaires (lait, farine, riz, conserve, produits d’hygiène, etc.), que nous distribuons en quantité de plus en plus importante : à l’heure actuelle, c’est environ cinq tonnes par semaine. Sans compter les 500 repas chauds que nous servirons chaque soir pendant le Ramadan, contre 350 d’habitude.

Ce sont certes des dépenses supplémentaires, mais nos fidèles sont compréhensifs : voir que la mosquée joue son rôle social les encourage à donner. Une cinquantaine de bénévoles se relaient pour assurer la distribution, qui a lieu à la mosquée ou au domicile, pour les personnes les plus fragiles.